La conservation - restauration
Voici comme promis un article écrit par les artistes responsables de la restauration des peintures murales :
La France est un pays riche d'histoire, son patrimoine est donc important, tant dans ses œuvres d'art que dans son architecture. Le temps et l'évolution dégradent ce patrimoine qui, sans intervention, finirait par disparaître. La conservation ‑ restauration d'un objet ou d'un monument est nécessaire pour sauvegarder son intégrité matérielle et respecter sa signification culturelle, historique et artistique.
La philosophie de la restauration
Restaurer le patrimoine est bien entendu un métier de passion, mais aussi d'humilité et d'engagement : en aucun cas des notions comme la création ou l'interprétation ne doivent intervenir. C'est la protection et la mise en valeur du bien qui doivent être les motivations premières. Le rôle du restaurateur est donc de préserver le patrimoine et ainsi d'assurer sa transmission aux générations futures.
Un moyen d’expression
La peinture murale * est une expression culturelle de la création humaine à travers l'Histoire. Ces dernières années, avec l'évolution des doctrines de restauration, les spécialistes comme le grand public se sont intéressés à la peinture murale comme témoin de cette Histoire. En effet, avec l'art rupestre, l'homme a laissé trace de son évolution. Au fil des siècles, la peinture murale est devenue partie intégrante de l'architecture, soit pour un souci de mise en valeur du monument, dans un but purement décoratif, soit pour instruire les fidèles comme on peut le voir dans les églises dès l'époque romane.
Les techniques utilisées pour la réalisation de cet art varient énormément selon les pays et les époques.
Voici les principales techniques rencontrées en France :
Technique | Enduits | Principe |
Fresque | Enduit frais | Carbonatation |
Fresque pure | Enduit à base de chaux | Pigments mélangés à l'eau |
Fresque à chaux | Enduit à base de chaux | Pigments mélangés à l'eau de chaux |
Techniques à sec | Enduit sec | Pigments mélangés à un liant |
Peinture à la chaux | Enduit de chaux | Pigments et lait de chaux sur enduit remouillé |
Détrempe | Chaux ou plâtre | Pigments et liants organiques : oeuf, caséine... |
Huile | Chaux, plâtre, toile, bois | Pigments et huile de lin, d'oeillette, de noix ... |
Ici, à Courcelles
La chapelle Saint‑Hubert comporte un très bel ensemble de peintures murales du XVIIème siècle, composé de décors architecturaux en trompe l'oeil et de scènes historiées représentant différents Saints et Saintes (Hubert, Geneviève, Apolline …) La technique de réalisation est mixte : le support plâtre a reçu une préparation à la détrempe*, puis le décor a été réalisé à l’huile. Le temps et les modifications architecturales ont plus ou moins détérioré les peintures : de grandes lézardes et fissures sont apparues ainsi que des déplacements d'enduit avec perte partielle du support. L'humidité et le plâtre ne faisant pas bon ménage, la couche picturale est devenue pulvérulente*, c'est-à-dire poudreuse, poreuse. Elle s'écaille aussi par endroits. Enfin les teintes contenant du blanc de plomb se sont oxydées par endroit et ont pris une coloration noire irréversible. Notre intervention Dans un premier temps, nous avons nettoyé et fixé les peintures par injections derrière les écailles d'une résine acrylique* en faible concentration pour les recoller au support. Le nettoyage a consisté à dégaer les repeints intempestifs à la gouache datant de la restauration de 1902, et la crasse laissée par les années par léger frottement de coton imbibé d'eau ou d'eau et d'alcool. Nous avons ensuite rebouché les fissures et lézardes sur la totalité de la voûte avec un enduit bâtard de chaux, sablon et plâtre, et injecté des coulis à base de chaux dans celles-ci et derrière les zones de déplaquement afin de redonner une cohésion générale au support. Cette étape était la plus urgente, la structure étant très affectée. Nous avons brumisé la totalité des décors avec un fixatif acrylique en faible concentration afin de refixer les zones pulvérulentes * et redonner une profondeur aux couleurs qui avaient chanci*. Les zones de perte totale du support resteront lacunaires, avec un léger sous-niveau afin de les mettre en évidence et de ne pas nuire à la lecture des peintures. Enfin nous avons retouché les peintures à l'aquarelle*. La retouche consiste à repiquer les petits arrachements de la couche picturale et à réintégrer les zones lacunaires si nous avons assez d'éléments alentours nous le permettant, et si nous n'inventons rien. En effet, rappelons que notre rôle consiste avant tout à protéger, donc conserver ces peintures. S'il nous est possible de réintégrer certaines zones, nous ne pouvons et ne devons pas inventer ce qui a disparu : cela nuirait à l'intégrité de ces décors qui font partie de l'Histoire de Courcelles. Notre objectif est d'améliorer leur lisibilité tout en respectant la création originale. Nous espérons ainsi assurer leur pérennité et contribuer à leur mise en valeur.